Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration : un recul des droits des étrangers

Article actualisé le 12/01/2024

Après une procédure législative tumultueuse et la convocation de la Commission Mixte paritaire (CMP), la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a finalement été adoptée par les parlementaires le 19 décembre 2023, en reprenant très largement les mesures de durcissement proposées par le Sénat. L’accès de tous les enfants et les jeunes, indépendamment de leur situation administrative, au sein des accueils collectifs de mineurs (ACM), s’en voit nécessairement affecté.

Les principaux points de la loi

Durcissement de l’accès aux prestations sociales

Un délai de carence est posé pour l’accès aux prestations familiales (prestation d’accueil du jeune enfant ; allocations familiales ; etc.), à l’aide personnalisée au logement (APL), à l’allocation personnalisée d’autonomie et au droit au logement opposable.

Un étranger peut actuellement bénéficier de certaines prestations dès 6 mois de situation régulière sur le territoire français. Ce délai sera porté à cinq ans de résidence sur le territoire français ou à trente mois d’affiliation à une activité professionnelle en France.

Ce nouveau dispositif ne s’applique pas aux réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, apatrides, détenteurs d’une carte de résident de 10 ans, et pour les APL, aux visa étudiants. L’allocation handicapé et la prestation de compensation de handicap ne sont pas non plus concernées (art. 1er N).

Maintien de l’Aide Médicale d’Etat (AME)

L’AME, dont le sort a été débattu tout au long de la procédure législative, a été maintenue en l’état.

Dans le cadre de son examen du texte, le Sénat avait transformé l’aide médicale d’État destinée aux sans-papiers en une aide médicale d’urgence (AMU) plus restrictive.

L’AME est actuellement accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois et qui perçoivent moins de 810 euros mensuels pour une personne seule. Cette aide donne droit à la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Si ce projet avait dû acquérir force de loi définitive, les bénéficiaires de l’AMU auraient dû s’acquitter d’un droit annuel dont le montant serait fixé par décret, en plus de répondre aux conditions actuelles de l’AME. Le panier de soins aurait été largement réduit.

Toutefois, la menace d’une suppression de l’AME n’est pas totalement dissipée, étant prévu que celle-ci fasse l’objet d’une réforme courant 2024.

Fin de l’automaticité du droit du sol et élargissement du champ de la déchéance de nationalité

Grand principe du droit français, le droit du sol est une manière d’accéder à la nationalité française qui permet à un enfant né en France de parents étrangers d’acquérir la nationalité française à sa majorité de manière automatique (article 21-7 du Code civil).

La nouvelle loi remet en cause le caractère automatique du droit du sol. L’acquisition de la nationalité française pour l’enfant né en France de parents étrangers n’aura désormais lieu que si l’enfant « en manifeste la volonté » à sa majorité (art. 2 bis). Le droit du sol sera écarté en cas de condamnation définitive pour crime (art. 2 ter).

En outre, les parlementaires ont ajouté un nouveau cas pouvant justifier la déchéance de la nationalité française pour les binationaux : la condamnation définitive pour homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique (article 2 bis A).

Restrictions de l’accès au territoire

Parmi les mesures les plus contestées de cette nouvelle loi, s’inscrit le durcissement des conditions du regroupement familial (art. 1er B).

Le regroupement familial permet à un ressortissant étranger régulièrement installé en France d’être rejoint par les membres de sa famille (conjoint et enfants mineurs). La loi prévoit notamment que :

  • La durée de séjour régulier exigée est de 24 mois, et non plus 18 mois ;
  • Le conjoint concerné par la demande de regroupement familial doit être âgé d’au moins 21 ans, contre 18 actuellement ;
  • Outre la condition de « ressources stables » déjà en vigueur, ces ressources doivent également être « régulières » et l’appréciation des conditions de ressources du demandeur ne prend plus en compte les APL ;
  • Le demandeur doit désormais disposer d’une assurance-maladie pour lui et sa famille ;
  • L’étranger justifie d’une connaissance minimale de la langue française ( 1er C.).

La procédure de réunification familiale, qui permet au bénéficiaire du statut de réfugié, de la protection subsidiaire ou à un apatride de faire venir sa famille sur le territoire français, voit ses critères resserrés. Le refus du bénéfice de ce dispositif est notamment élargi au conjoint qui ne justifierait pas de relations suffisamment stables et continues avec le demandeur ou aux enfants âgés de 18 ans, contre 19 ans actuellement (art. 19 bis C).

Les conditions de délivrance d’un titre de séjour sont également durcies, notamment pour les conjoints de Français et les parents d’enfants français (pour une carte résident, la durée de séjour régulier exigée est portée de 3 à 5 ans, etc. (art. 1er EC), ou encore pour les jeunes majeurs qui ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant 16 ans (l’article 7 ter). Il sera par exemple possible de refuser l’octroi d’un contrat jeune majeur à l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) (art. 12 bis).

Les parlementaires ont notamment subordonné l’obtention du titre de séjour à « la souscription d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République » (art. 13). La connaissance minimale de la langue française de niveau A2 sera désormais requise. Jusqu’à aujourd’hui, un simple suivi de l’apprentissage du français dans le cadre du contrat d’intégration républicain, sans obligation de résultat, était suffisant.

Les conditions pour obtenir l’asile sont également plus sévères (art. 19 bis A).

Renforcement des possibilités d’éloignement

Rare disposition d’assouplissement voulue par la commission des lois de l’Assemblée nationale et conservée dans le texte final, l’interdiction de placer des mineurs étrangers en centre de rétention administrative (CRA) est désormais inscrite dans la loi. Les adultes accompagnés de mineurs pourront être assignés à résidence (Art. 12).

En revanche, le texte facilite l’éloignement des étrangers qui représenteraient une menace grave pour l’ordre public. A des fins de surveillance, un fichier de traitement des données concernant les mineurs étrangers isolés soupçonnés d’avoir commis des infractions est créé (art. 11 ter). La protection dont bénéficiaient certaines catégories de ressortissants étrangers (étranger arrivé en France avant ses 13 ans, conjoint du Français, etc.) contre l’expulsion, la peine d’interdiction du territoire français (ITF) ou l’OQTF est restreinte voire levée.

Supprimé en 2012, le délit de séjour irrégulier qui s’applique à tout étranger présent sur le territoire français avec un visa expiré ou sans titre de séjour, est rétabli et sera désormais passible de 3 750 euros d’amende et d’une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire (art. 1er L).

Les autres points de la loi

De manière non exhaustive, la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration prévoit l’instauration de quotas migratoires (art.1er A), des mesures pour régulariser les travailleurs sans papiers exerçant des métiers en tension (carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié », etc.) (art. 4 bis) ou encore de réformer l’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) (Art. 20).

A noter : Fin décembre 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi  et pourrait censurer certaines de ces dispositions. Sa décision sera rendue  le 25 janvier 2024.

Céline Chagnollaud
c.chagnollaud@jpa.asso.fr