L’accès aux vacances progresse, mais des inégalités perdurent

Les Français sont de moins en moins nombreux à indiquer qu’ils n’ont pas les moyens de partir une semaine en congés. Mais les écarts demeurent entre milieux sociaux. Sept millions de personnes très modestes n’ont pas assez d’argent pour quitter leur domicile le temps de vacances.

De moins en moins de Français indiquent qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir des congés une semaine par an hors de chez eux. Ils étaient 34,8 % en 2004 et ne sont plus que 23,8 % en 2019, onze points de moins, selon l’Insee. La situation s’est améliorée pour les catégories modestes : parmi les ménages appartenant aux 20 % des plus bas revenus, la part de ceux qui estiment ne pas avoir les moyens de partir une semaine a baissé de 64,3 % à 54,5 % au cours de la période. Le même indicateur est passé de 10,8 % à 3,6 % chez les 20 % les plus aisés. Le phénomène est d’autant plus remarquable que la période 2008-2014 a été marquée par une forte crise économique.

La tendance va dans le bon sens, mais des inégalités perdurent. Suivant l’indicateur utilisé, le jugement n’est pas le même. D’un côté, l’écart entre la part de ceux qui disent ne pas avoir les moyens de partir chez les classes aisées et celle des classes modestes a légèrement diminué, de 53,5 % à 50,9 %. De l’autre, le rapport entre ces deux indicateurs est passé de 6 à 15 : en 2019, la part de ceux qui disent ne pas avoir les moyens de partir parmi les 20 % les plus modestes est 15 fois plus élevée que celle des 20 % les plus aisés. En 2004, le même rapport était de un à six.

Ces données appellent plusieurs remarques. Tout d’abord, il s’agit d’enquêtes déclaratives très subjectives. L’Insee pose la question «avez-vous les moyens de partir si vous en éprouvez le besoin ?», ce qui peut être interprété de diverses manières. Comment peut-on appartenir aux 20 % les plus riches et estimer ne pas avoir les moyens financiers de partir une semaine ? Au passage, l’institut public ne juge plus pertinent de réaliser des enquêtes approfondies sur les vacances depuis… 2004, alors que cette pratique est centrale en matière de conditions de vie. Ensuite, entre «partir une semaine» dans l’année à quelques kilomètres de chez soi et cinq semaines, voire plus, en alternant des voyages à l’étranger, dans la famille et aux sports d’hiver, il y a «vacances» et «vacances».

Enfin, même si la part de ceux qui disent ne pas avoir les moyens de partir baisse, ils demeurent nombreux. Si l’on se concentre sur les 20 % les plus modestes (13 millions de personnes), cela signifie que plus de sept millions d’entre eux n’ont pas les moyens de s’offrir une semaine de vacances. Si on ajoute ceux qui se situent dans la tranche des 20 % à 40 % des moins aisés, on arrive à un total de onze millions de personnes. L’image d’Épinal des congés payés pour tous de 1936 et les embouteillages massifs du «chassé-croisé» de fin juillet-début août masquent le fait que des millions de personnes seules, de familles ou de personnes âgées restent toute l’année chez elles, faute de moyens de se mettre au vert, de découvrir d’autres territoires, pratiquer de nouvelles activités de loisir, etc.

BASILE
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