Adoption en première lecture devant l’Assemblée nationale de la proposition de la loi visant à relancer l’organisation des classes de découvertes

La nécessité d’un cadre législatif

Depuis 1936, les classes de découverte font partie du paysage français. Les bénéfices de ces séjours ne sont plus à prouver : développement de l’autonomie, sociabilisation, partage entre élèves, renforcement des liens, enjeu de citoyenneté…  Pour autant, depuis plusieurs années, on observe un déclin croissant du nombre de départs en voyages scolaires, déclin dont les enfants sont les premières victimes.  Au fil des années, plusieurs obstacles se sont présentés :

  • Les difficultés organisationnelles : à savoir la charge administrative conséquente et les responsabilités que doivent endosser les enseignants organisateurs sans réelle reconnaissance,
  • Le coût de plus en plus onéreux des voyages : qu’il s’agisse des transports ou de l’hébergement.

Les difficultés de financement alimentent l’absence d’équité entre les enfants. Elles nourrissent aussi les inégalités entre les territoires, qui bénéficient d’un soutien plus ou moins existant de la part des collectivités territoriales.

Le Gouvernement a souligné récemment l’importance des voyages scolaires.  En 2023, une nouvelle circulaire du 13 juin portant sur l’organisation des sorties et voyages scolaires dans les écoles, collèges et lycées publics, texte de référence en la matière, a posé l’objectif que : « tout élève, quel que soit son milieu social d’origine, doit pouvoir bénéficier d’au moins un voyage scolaire au cours de sa scolarité obligatoire ». La proposition de loi se propose d’offrir des moyens financiers pour soutenir les classes de découvertes. Déposée le 23 octobre 2023 à l’Assemblée nationale, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 1er février 2024 et prochainement débattue par les sénateurs, il convient de se pencher sur les termes de cette loi en devenir.

Les réponses apportées par la proposition de loi 

La proposition de loi se compose en l’état de 3 articles.

L’article 1er de la proposition de loi :

  • Instaure tout d’abord un fonds national d’aide au départ pour les voyages scolaires prévus par les écoles (à l’exclusion des établissements du second degré) pour les séjours de deux nuitées et plus (article 1 alinéa 1). Le nombre de nuitées a fait l’objet d’une discussion passionnée : Une partie des députés a considéré qu’un seuil trop élevé écartait du dispositif notamment les écoles maternelles, qui sont moins enclines à organiser des séjours de plus d’une nuitée compte tenu de l’âge des enfants et de leur manque d’autonomie. D’autres députés ont mis en avant l’importance d’un seuil suffisamment élevé (trois ou quatre nuitées) pour encourager des séjours plus longs qui seuls peuvent apporter profondément des bénéfices aux enfants. Un compromis a été de fixer un nombre de trois nuitées puis finalement de deux nuitées.
  • Conditionne le bénéfice de l’aide à une subvention minimale de la part des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale (article 1 alinéa 2). Ces dispositions visent à ne pas décourager les collectivités qui financent, et à inciter celles qui ne participent pas financièrement à le faire. Bien que certains ont pu relever que dans certains territoires (notamment ruraux), le financement des voyages scolaires est loin d’être une priorité pour les collectivités territoriales.
  • Fixe des critères de durée et de différences de situation sociale entre les écoles pour déterminer le montant de l’aide (article 1 alinéa 3). Le parti a été pris, plutôt que d’établir une distinction entre l’école sous contrat privé et l’école public, de prendre en compte la situation sociale des écoles (à travers l’indice de positionnement social) et la situation du territoire.

L’article 2 de la proposition de loi :

  • Attribue une part fonctionnelle du pacte (1250 euros) aux enseignants organisateurs et accompagnateurs pour trois nuitées et plus. Cet article a suscité un débat au sein de l’Assemblée, certains députés étant fermement opposés au pacte, mais Madame BONNIVARD, rapporteure sur le texte, a expliqué que c’était selon elle le seul moyen d’assurer une indemnité avec un montant minimum de 1250 euros.

L’article 2 bis de la proposition de loi :

  • Permet l’inscription, pour la première fois, d’un principe à valeur législative relatif aux voyages scolaires dans le code de l’éducation : « L’organisation de sorties et de voyages scolaires, avec le soutien des collectivités territoriales et de l’État, participe de l’acquisition de cette culture générale ».

L’article 2 ter de la proposition de loi , afin de rassurer les enseignants et de les accompagner, prévoit :

  • La délivrance annuelle d’informations à la communauté éducative relative à l’organisation des voyages scolaires et un accompagnement annuel des enseignants pour garantir leur mise en œuvre (article 2 ter alinéa 1 et 2),
  • La sensibilisation par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation des enseignants aux bénéfices pédagogiques de ces voyages (article 2 ter alinéa 2).

Les articles 2 quater, quinquies, sexies, septies de la proposition de loi imposent au Gouvernement la remise après promulgation de la loi de plusieurs rapports :

  • Un rapport sur la possibilité d’une indemnisation des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) par l’Etat et les collectivités territoriales ( 2 quater). L’absence dans le dispositif de la question des AESH a été soulignée, un amendement a proposé de récupérer les heures supplémentaires sur leur temps de travail mais a été refusé par crainte qu’il manque sur les temps scolaires des AESH pour accompagner les élèves. La rapporteure a partagé l’idée de travailler sur cette question avec le Sénat, qui œuvre actuellement sur une proposition de loi sur le financement des AESH sur les temps méridiens.
  • Un rapport sur l’ensemble des données relatives aux voyages scolaires depuis 2019 (premier et second degré, nombre de voyages, de nuitées, d’élèves, difficultés financières des familles, etc.) (Article 2 quinquies),
  • Un rapport sur l’opportunité d’étendre l’aide et l’indemnité prévues par la proposition de loi aux établissements de second degré (Article 2 sexies et article 2 septies).

L’article 3 de la proposition de loi:

  • Fonde le financement de l’aide sur la taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. Il convient de préciser qu’un budget de 3 millions d’euros a été alloué et intégré dans la loi de finances pour 2024 à la suite d’un amendement. Jugé insuffisant par certains, ce montant pourra être revu chaque année dans le cadre du projet de loi de finances en fonction des besoins et en s’appuyant sur les futures statistiques relatives aux classes de découverte.

Céline Chagnollaud
c.chagnollaud@jpa.asso.fr