Racisme, antisémitisme, haine anti LGBT en ACM : le Gouvernement lance une enquête auprès des organisateurs, JuriACM fait le point

Dans une communication en date du mercredi 25 janvier 2023, le Gouvernement a fait part du lancement de son enquête sur les phénomènes du racisme, de l’antisémitisme et de la haine anti LGBT dans les ACM et les formations BAFA-BAFD.

Cette enquête s’adresse aux organisateurs et aux formateurs, pour mieux connaître leurs besoins face aux expressions de ces phénomènes dans leurs activités.

Cliquer ici pour participer à l’enquête du Gouvernement

A cette occasion, et sans effleurer les aspects pédagogiques et éducatifs nécessaires pour faire évoluer les mentalités à des fins préventives et d’apaisement, il nous apparaît nécessaire de rappeler le mode de prise en compte de ces comportements et phénomènes dans la réglementation et la loi pénales.

A retenir

Le droit pénal sanctionne les atteintes à la dignité.

A ce titre, toute discrimination (distinction opérée entre les individus pour des motifs racistes ou sexuels par exemple), conduisant notamment à refuser un bien ou un service ou à refuser l’accès à certains lieux, est pénalement répréhensible.

Les discriminations pouvant également conduire ou être inhérentes à la commission d’autres infractions (injure discriminatoire, violences discriminatoires, meurtre commis à raison de l’identité sexuelle de la victime, etc.), le droit pénal prévoit un régime d’aggravation des peines encourues pour témoigner de son hostilité particulière aux contextes et mobiles discriminatoires.

Le contenu de la communication du Gouvernement en date du 31 janvier 2023

Retrouvez ci-après le contenu de la communication du Gouvernement.

« Madame, Monsieur,

La question des discriminations apparait comme un thème « jumeau » de la laïcité et fait l’objet d’une spécialité du plan valeurs de la République et laïcité (VRL) de l’ANCT.

Par ailleurs, les services du ministère de la jeunesse mettent en œuvre des actions qui s’inscrivent dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026.

Lors du bilan annuel des accueils collectifs de mineurs (ACM) du 22 novembre dernier, auquel votre mouvement a participé, un point particulier a été fait sur le phénomène du racisme, de l’antisémitisme et de la haine anti LGBT. Certaines associations ont fait part de leur intérêt pour ce sujet.

En lien avec la délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH), une sensibilisation pourra être proposée sur ce sujet. En amont de cette rencontre et afin de la préciser, une enquête vous est proposée pour mieux connaître ce phénomène et vos besoins. Cette enquête a été réalisée via Framaforms et est disponible en suivant le lien suivant: Questionnaire : racisme, antisémitisme et haine anti LGBT pour les organisateurs d’ACM et de formations | Framaforms.org

Comme nous sommes encore en janvier, j’en profite pour vous adresser mes meilleurs vœux à l’occasion de la nouvelle année.

Je vous remercie pour votre participation avant le 14 février prochain. Pour toute question, n’hésitez pas à me solliciter .

Bien cordialement

Marc ENGEL

Chargé de mission auprès du sous-directeur de l’éducation populaire

Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)

Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse »

Rappel du cadre légal et réglementaire applicable aux discriminations et notamment aux comportements racistes, antisémites ou anti LGBT

La loi et la réglementation réservent un accueil essentiellement répressif à ces comportements et phénomènes racistes, antisémites ou anti LGBT, en érigeant en infraction pénale chacune de ces manifestations qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine.

Sans prétendre à l’exhaustivité des infractions et des concepts, ces comportements peuvent être sanctionnés pénalement soit à titre principal (une discrimination est une infraction pénale), soit par un jeu d’aggravation d’autres infractions commises pour motifs discriminatoires (par exemple des violences commises en raison de l’origine, réelle ou supposée, d’une personne).

Que la discrimination soit constituée à titre autonome ou à titre accessoire d’une autre infraction, le Code pénal donne une définition unique et large de ce qu’est une discrimination, à l’article 225-1 :

« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte […], de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »

A noter : constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement de ces éléments appliqués à leurs membres ou à certains membres de ces personnes morales.

Ces éléments, pris en compte au titre d’une discrimination, sont alternatifs et régulièrement complétés par la loi pour prendre en compte les évolutions sociétales, soit directement dans le texte de l’article 225-1 du Code pénal ci-dessus, soit de manière périphérique. Ex :

  • l’identité de genre a rejoint en 2016 la liste de l’article 225-1 au titre des éléments susceptibles de fonder une discrimination ;
  • depuis 2012, constitue également une discrimination toute distinction opérée entre des personnes parce qu’elles ont refusé de subir des faits de harcèlement sexuel ou témoigné de tels faits (225-1-1 du Code pénal) ;
  • Depuis 2017, constitue encore une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de bizutage ou témoigné de tels faits (225-1-2 du Code pénal).
La discrimination, une infraction pénale autonome et plurielle

Le Code pénal (article 225-2) sanctionne de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende la discrimination ci-dessus définie lorsque la distinction opérée entre les personnes consiste soit à :

  • refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
  • entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;
  • refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne (voir en ce sens le principe de non-discrimination posé à l’article L. 1132-1 du Code du travail) ;
  • subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments pouvant fonder une discrimination (cf. supra) ;
  • subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments pouvant fonder une discrimination (cf. supra).

A noter : lorsque le refus discriminatoire de fournir un bien ou un service est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, la peine maximum encourue est portée à 5 d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende.

Bon à savoir : la loi a volontairement évincé du champ répressif certaines discriminations spécifiques légitimes (article 225-3 du Code pénal – ex : discriminations en matière de santé pour la couverture assurantielle du risque décès, discriminations en matière de licenciement pour inaptitude médicalement constatée, etc.).

La discrimination, une circonstance aggravante d’autres infractions

Certains comportements n’ont pas besoin d’être discriminatoires pour être sanctionnables pénalement (ex : frapper autrui). Mais lorsque ceux-ci sont commis pour des motifs discriminatoires (à raison de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée par exemple), la discrimination est prise en compte au titre des circonstances aggravantes qui enveloppent la commission de l’infraction.

Cette circonstance aggravante, comme son nom l’indique, aggrave la peine maximale qui était encourue pour l’infraction « simple » ou « non aggravée ».

Evoluant au gré de la société, loi pénale prévoit de longue date, au cas par cas, les infractions susceptibles d’être aggravées pour mobile discriminatoire et les modalités de cette aggravation. On parle alors d’aggravation « spéciale ».

Exemple pour les violences volontaires :

  • Violences volontaires « simples » n’ayant pas causé d’Interruption Temporaire Totale – ITT – (violences légères) : 750 € d’amende
  • Violences volontaires discriminatoires sans ITT ou avec ITT inférieure ou égale à 8 jours : 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende

Exemple pour l’injure non publique (toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait précis) :

  • Injure non publique « simple » (insulte envoyée directement au destinataire par conversation instantanée ou dans une discussion en cercle restreint) : 38 euros d’amende (contravention de 1ère classe)
  • Injure non publique discriminatoire, à raison de l’appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, prétendue race ou religion déterminée ou à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de leur handicap : 1 an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende

De manière plus récente, une loi de 2017 a instauré, dans le Code pénal, un mécanisme général d’aggravation ayant pour objectif d’améliorer la lutte contre les discriminations racistes et sexuelles.

Désormais, les articles 132-76 et 132-77 prévoient que la plupart des crimes et des délits sont susceptibles d’être aggravés (même si aucune aggravation spéciale n’est prévue) s’ils reposent sur une discrimination raciste ou sexuelle, c’est à dire lorsqu’ils ont été précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit :

  • portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison :
    • de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée ;
    • de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée (le caractère sexiste des infractions peut être pris en compte à ce titre) ;
  • établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons.

Ce mécanisme général d’aggravation prévoit un barème d’aggravation des peines, en fonction de la peine maximale initialement encourue pour l’infraction commise. A titre d’exemple, une infraction comme le vol « simple » fait encourir 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Un vol aggravé commis dans un contexte ou pour des motifs discriminatoires raciaux ou sexuels fait encourir 6 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (la peine d’emprisonnement encourue est doublée).

Les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux en quelques chiffres

Les données suivantes proviennent du travail de Valérie Bernardi, chargée d’étude sur la victimation et la sécurité intérieure au Service statistique ministériel de la sécurité intérieure, dans le document intitulé : « Les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux : La mesure statistique d’un phénomène peu déclaré aux forces de sécurité » (AJ Pénal, Dalloz, septembre 2020).

Consulter l’étude intégrale sur le site du Gouvernement.

A noter : ces données n’intègrent pas les discriminations liées au sexe, à l’identité ou l’orientation sexuelle ni à l’identité de genre.

Nombre d’infractions commises à raison de l’ethnie, de la nation, d’une prétendue race ou de la religion, en France, enregistrées par les services de police et de gendarmerie en 2019 :

  • 5730 crimes et délits
  • 5100 contraventions

Les provocations, injures et diffamations représentent 71 % de ces infractions, suivies des menaces et chantages (15 %). Les atteintes criminelles (meurtres, actes de barbarie, etc.) et les violences délictuelles ne représentent que 5 % de l’ensemble.

Parmi les plaignants d’infractions à caractère raciste en France en 2019 :

  • les hommes sur-représentent les personnes physiques (58 %), tandis que les personnes morales constituent tout de même 8 % de ce total ;
  • 7 victimes sur 10 avaient entre 25 et 54 ans, tandis que seules 16 % d’entre-elles avaient moins de 25 ans (les moins de 25 ans représentaient en 2019 30 % de l’ensemble de la population).

En 2019 au total, plus de 2000 personnes ont été mises en cause pour crime ou délit à caractère raciste.

Morgan Bertholom
m.bertholom@jpa.asso.fr