Protocole ACM avec hébergement 2021 : un organisateur peut-il rendre obligatoire le test avant le départ ?

Dans sa dernière version actualisée au 18 juin 2021, le protocole sanitaire applicable aux accueils collectifs de mineurs avec hébergement recommande que les mineurs et le personnel encadrant présentent le résultat négatif d’un test de dépistage virologique (RT-PCR ou antigénique) avant le départ.

Face à cette consigne, de quelle latitude disposent réellement les organisateurs pour rendre obligatoire la présentation de ce résultat avant le départ, ou, au contraire, pour s’en affranchir ?

Bien que le raisonnement diffère selon que l’on envisage la présentation obligatoire d’un test pour le personnel encadrant ou pour les enfants, la conclusion est unique : il est recommandé de ne pas le rendre obligatoire !

Le cadre posé par le protocole sanitaire

Selon le protocole :

« Il est recommandé que les mineurs et le personnel encadrant effectuent un examen biologique de dépistage virologique, réalisé moins de 72 h avant le départ, par test RT-PCR, ou par test antigénique dans les 24 h, confirmant l’absence d’infection par le SARS-CoV-2. »

Les enjeux qui ont présidé à l’élaboration de ces lignes, à savoir notamment la recherche d’un équilibre entre d’une part des garanties sanitaires suffisantes et d’autre part la possibilité, pour les organisateurs, d’accueillir le plus grand nombre de mineurs, invitent à considérer cette « recommandation » à la fois comme :

  • Une marque de souplesse indéniable, instaurée en faveur des organisateurs qui souhaiteraient s’affranchir de cette contrainte non obligatoire, pour faciliter la tenue des séjours et l’accueil des mineurs ;
  • Une invitation à systématiser, dans la mesure du possible, le recours aux tests avant le départ, pour une sécurité accrue.

La tentation est grande d’y lire la faculté, pour l’organisateur de transformer cette « recommandation » en « obligation » pour ses équipes et pour les mineurs, par soucis de garantir une sécurité sanitaire supérieure au sein du séjour.

Test des personnels avant le départ : le recours à la prudence avec le respect du principe du volontariat

S’agissant des personnels, cette situation, inédite et créée par ce protocole sanitaire ACM 2021, doit être démêlée au regard des règles covid applicables au travail en entreprise et des règles générales et pérennes instaurées par le Code du travail, auxquelles sont également soumis les encadrants en contrat d’engagement éducatif.

Le Code du travail prévoit des règles protectrices des droits des salariés, notamment en son article L. 1121-1 :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

Cet article, de portée générale, fonde l’impérieuse nécessité de rechercher constamment la proportion entre l’atteinte subie par le salarié et la nature de la tâche à accomplir. Il trouve donc à s’appliquer en toute situation, décliné au cas par cas, et donc aux tests de dépistage covid.

Le test de dépistage RT-PCR ou antigénique, à l’instar des prises de sang par exemple, n’est pas un acte anodin ; il s’agit d’un acte médical invasif qui porte atteinte à l’intégrité corporelle du salarié et qui mérite donc, pour être rendu obligatoire, qu’il soit proportionné à la menace sanitaire et au risque de cluster.

Face à cette situation nouvelle, le Gouvernement s’est trouvé en position de fixer des lignes directrices dans son protocole national de sécurité et de santé en entreprise et dans la circulaire interministérielle du 14 décembre 2020, relative au déploiement des tests antigéniques au sein des entreprises publiques et privées.

A noter : ce déploiement avait vocation à donner un rôle aux entreprises dans la lutte contre l’épidémie, en aidant au dépistage des cas sur le lieu de travail. En conséquence, ces consignes ont été élaborées sous le prisme d’actions de dépistage collectif, selon une logique et des enjeux difficilement assimilables à ceux que nous rencontrons aujourd’hui en ACM.

Force est de constater que le Gouvernement propose ces campagnes de dépistage collectif au travail sur la base du volontariat et dans le strict respect du secret médical, à l’exclusion de toute injonction faite aux salariés (circulaire, page 4).

Cette règle du volontariat, qui mériterait certainement d’être affinée pour mieux correspondre aux enjeux que rencontrent les organisateurs d’ACM cet été, doit néanmoins trouver à s’appliquer également à ce secteur, là encore, par soucis de précaution non plus sanitaire mais juridique.

En conséquence, nous invitons les organisateurs de séjours à s’en tenir à la lettre du protocole sanitaire applicable aux ACM et à recommander (au besoin « fortement », « vivement », etc.) la présentation d’un test négatif avant le départ à leurs personnels, sans toutefois l’imposer.

Test des mineurs avant le départ : le respect du contrat ou du volontariat

La possibilité, pour un organisateur, de rendre obligatoire pour les mineurs la présentation du résultat négatif d’un test virologique diffère selon que cette injonction intervient pour les séjours déjà vendus (mineurs déjà inscrits) ou pour les inscriptions à venir.

L’organisateur est tenu de garantir les conditions du séjour qu’il a déjà vendu

En droit, les contrats s’imposent à ceux qui les ont conclus. Les séjours vendus par des organisateurs proposant des ACM avec hébergement étant des contrats particuliers, soumis aux dispositions du Code du tourisme (article L. 211-1 et suivants et R. 211-1 et suivants), ils appliquent la même règle.

Conformément aux articles L. 211-9 et L. 211-13, l’organisateur est tenu aux informations précontractuelles qu’il a communiquées aux représentants légaux des mineurs et aux conditions auxquelles ils ont pu souscrire le contrat de voyage. Ces conditions ne peuvent en principe être revues qu’avec l’accord des représentants légaux. L’organisateur ne peut en modifier unilatéralement les clauses, à moins :

  • qu’il ne se soit réservé expressément ce droit dans le contrat ;
  • que la modification soit mineure.

A noter : dans l’un et l’autre cas, l’organisateur doit informer les représentants légaux des mineurs d’une manière claire, compréhensible et apparente sur un support durable.

Le fait d’imposer unilatéralement aux enfants et aux jeunes la présentation du résultat négatif d’un test virologique avant le départ ne peut s’analyser en une modification mineure du séjour. Il s’agit là au contraire d’un élément essentiel du contrat. Un organisateur ne peut donc pas modifier opportunément et unilatéralement les modalités du départ pour les séjours déjà vendus, sauf s’il s’en était préalablement réservé le droit.

Le cas dérogatoire de l’article R. 211-9 est-il applicable aux tests avant le départ ?

Il est toutefois un cas dans lequel la modification unilatérale d’une obligation essentielle du contrat par l’organisateur est rendue possible par le Code du tourisme. Cette hypothèse est envisagée à l’article R. 211-9 et encadrée par des conditions strictes, protectrices des droits des voyageurs.

Selon cet article, l’organisateur doit être contraint d’apporter unilatéralement la modification à l’élément essentiel du contrat.

Cette notion de contrainte s’apprécie au regard d’éléments extérieurs, indépendants de la volonté propre de l’organisateur, comme un changement réglementaire par exemple. Le protocole sanitaire ne formulant qu’une recommandation et non une obligation, cette condition de contrainte ne peut être remplie et est de nature à faire échec, à elle seule, à l’instauration des tests obligatoires pour les mineurs avant le départ sur le fondement de cette disposition.

A noter : quand bien-même cette modification unilatérale de la part de l’organisateur serait considérée comme « contrainte » par les termes du protocole sanitaire, cette modification doit être proposée par écrit au voyageur, de manière claire, compréhensible et apparente. Ce dernier demeure toujours libre de refuser la modification et de solliciter le remboursement intégral, dans un délai de 14 jours au plus tard.

L’organisateur est libre d’imposer le test au départ pour les inscriptions futures

Pour renforcer la santé et la sécurité des mineurs qu’il accueille, l’organisateur peut être tenté de proposer une garantie supplémentaire aux familles en imposant la présentation du résultat négatif d’un test virologique avant le départ.

Il est alors parfaitement libre de décider que la présentation d’un résultat négatif par les mineurs avant le départ sera un élément indispensable, prévu dans le contrat passé avec les familles et dont celles-ci auront pu se convaincre de manière éclairée avant la signature de l’inscription, dès la délivrance des informations précontractuelles.

Nous recommandons toutefois, pour des raisons évidentes de cohérence, que l’ensemble des mineurs au départ d’un même séjour soient soumis aux mêmes dispositions contractuelles.

 

 

Morgan Bertholom
m.bertholom@jpa.asso.fr